Auteur: Brice Leibungut
Station Comté, Morteau 2008, 184 pages
On sait que le voyage s’enrichit, lorsque possible, des rencontres avec les gens du coin qui partagent leurs coups de cœur, nous ouvrent la boîte magique de leurs trésors locaux. Pour cela, il faut prendre le temps de l’écoute. C’est en parcourant les chemins de campagne, que le vrai pays se découvre. Sous la plume de Brice Leibundgut, nous empruntons ces sentiers en compagnie de deux joyeuses et délurées personnes typiques de la région comtoise, la Lucine Faivre et l’Oncl’ Ugène. Leur parler est d’une incommensurable richesse. Leur philosophie est tout aussi étonnante, ironique, savoureuse, pince-sans-rire. Avec eux résonnent les expressions et mots authentiques, les phrases gorgées de vie, comme celles que l’on cueille au Québec, en Acadie ou ailleurs dans la francophonie. Ce livre est du théâtre vivant puisant aux sources historiques sérieuses. Livre érudit certes, mais jamais ennuyeux. Nous sommes reconnaissants à l’auteur d’avoir enregistré dans son esprit ces séquences du quotidien, cet art de vivre, de la maison à la campagne, de la cuisine à la forêt, où on se promène avec plaisir, tant les mots et les scènes captent notre attention.
J’ai retrouvé beaucoup de tournures, de commentaires, d’attitudes de la Haute-Saône, c’est bien le signe d’une commune appartenance. Si je distingue des nuances, le ranqueni, ou le graillon, on ne les prononçait pas tout à fait de la même façon dans le village de ma grand-mère et cela variait presque d’un village à l’autre ! mais c’est bien de cela qu’il s’agissait. La pelle à ch’ni, bien sûr, et la patte à r’laver, devenait la guenille à r’laver, mais c’est bien la même guenille pendue sur l’évier ! Les quatre heures et tous ces délices qu’enfant nous récoltions en raclant les plats à gââteau (sic) de nos grands-mères, on lit et tout nous revient en mémoire.
C’est un plaisir constant que de rêver en ces pages qui nous conduisent vers les villages, les clochers comtois, le tas de fumier de jadis, ou chantent les noms, les prénoms, les surnoms, dont on découvre l’origine. Souvent, au cours de ma lecture, j’ai eu l’impression d’être réellement en Comté, d’entendre, de voir ; pour un Comtois de l’extérieur, quels merveilleux rappels !Brice Leibundgut, en quelques mots, redonne vie au passé, éclaire le présent, en l’expliquant sans forcer la note et nous captive par la richesse du vocabulaire, l’originalité des lieux, la force des personnalités.
Ce livre est passionnant, on y retourne, comme enfant lorsqu’on fouillait dans la vieille armoire comtoise. Tout reprend vie, sur un ton léger et sérieux à la fois, en humour et en sagesse comtoise.Tout au long de ma lecture, j’ai souligné, annoté, mis des points d’exclamation qui sont en réalité des points d’appréciation.
Ce fut pour moi un merveilleux voyage en Comté !
Jean-Louis Grosmaire
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